dimanche 21 mars 2010

Changement de programme et nouveautés

Signalons d'abord un petit changement de programme pour le mois d'avril :

3 avril 2010 | Lucien Calvié, Heine/Marx

10 avril 2010 | Luc Vincenti, Fichte et le marxisme

17 avril 2010 | André Tosel, Colère, résistance, insoumission

Quelques petites nouveautés sur le site du séminaire ensuite, lequel commence à s'étoffer des textes anciennement disponibles sur l'ancien site

Vous trouverez ainsi un chapitre extrait de l'ouvrage d'E. Hobsbawn, Marx et l'histoire : textes inédits (Paris : Démopolis, 2008) : « La conception marxiste de l'histoire ».


Deux textes sur Lukacs. La version courte d'un texte de Nicolas Tertulian, L'ontologie chez Heidegger et Lukacs : phénoménologie et dialectique, dont la version intégrale est en cours de préparation pour une édition ultérieure. Et un texte de Vincent Charbonnier à propos de La destruction de la raison de Lukacs, Ire rationnelle ?


Un texte de Sophie Wahnich, support de son intervention au séminaire du 29 novembre 2008, La longue patience du peuple.

vendredi 5 mars 2010

« Quelques réflexions sur les rapports entre le marxisme et l’historiographie de la Révolution française ». Entretien de Claude Mazauric avec Julien Louvrier

Penser la relation entre le marxisme et l’histoire de la Révolution française, marxisme au sens de la pensée de Marx d’une part, de l’utilisation du cadre conceptuel de la pensée de Marx par les historiens d’autre part, implique de rappeler une banalité et un paradoxe. L’historien de la Révolution française, qu’il soit marxiste ou non, ne peut se passer de Marx. Pourtant Marx n’a écrit aucun ouvrage sur l’histoire la Révolution française même s’il eut le projet d’écrire une histoire de la Convention. Par ailleurs, ses réflexions sur la Révolution de 1789 ne constituent pas un corpus comparable aux grandes synthèses historiques rédigées au cours du XIXe siècle par les historiens libéraux et romantiques tels Guizot, Tocqueville ou Michelet, dont l’apport est indispensable au chercheur spécialisé dans l’étude de la période révolutionnaire. Paradoxalement, l’historiographie de la Révolution française ne s’est pour autant pas développée sans lui. Au tournant du siècle, Jean Jaurès a le premier revendiqué l’influence directe de la pensée de Marx sur son approche de l’histoire révolutionnaire. Marquée par la prise en compte inédite de la dimension socio-économique des phénomènes historiques et singulièrement de l’épisode révolutionnaire français, son Histoire socialiste de la Révolution française (1) a ouvert la voie à un champ de recherche fructueux dont se sont réclamés les plus grands spécialistes de l’histoire de la Révolution, notamment Georges Lefebvre, Ernest Labrousse et Albert Soboul. Dans ce cadre, résultat de la rencontre entre une tradition érudite et inspirée par les préceptes de l’Ecole méthodique (« positiviste ») d’étude de la Révolution française et une conception totalisante de l’histoire issue de la pensée de Marx, s’est épanouie une historiographie marxiste ou marxisante de la Révolution intrinsèquement liée à cette configuration historique particulière. D’inspiration jaurésienne, donc socialiste et républicaine, l’historiographie marxiste de la Révolution française n’a rien d’un catéchisme, elle est au contraire riche de sa diversité et d’une histoire dont elle ne saurait être isolée. (lire la suite)

(1) Publiée d’abord sous forme de fascicules entre 1901 et 1904. Dernière édition sous la direction d’Albert Soboul aux Editions Sociales, 1968.

L'intégralité des entretiens sera accessible en ligne à partir du mois d'avril 2011 sur le site de Revues.org
Signalons également l'article de Julien Louvrier, « Marx, le marxisme et les historiens de la Révolution francaise au XXe siècle », accessible à cette adresse

dimanche 7 février 2010

« Althusser et le mystère de la rencontre » par Daniel Bensaïd


 A la différence de l’architecte qui a d’abord porté la maison dans sa tête, la taupe ne suit pas un plan préconçu. Comme la ruche de l’abeille, la taupinière prend forme au fur et à mesure de son cheminement. En creusant son dédale de galeries, de carrefours, et de bifurcations propices à la surprise d’une rencontre, la taupe découvre sa propre vocation.

Pathétique au plan personnel comme au plan théorique, la trajectoire de Louis Althusser témoigne des turbulences d’une époque. Suspect d’avoir cédé naguère à la tyrannie des structures, il apparaît, dans ses textes posthumes, comme un penseur du « matérialisme souterrain de la rencontre ». Mineur de fond et sapeur du génie, ce dernier Althusser se rebiffe contre la fermeture du futur et l’extinction de l’espérance.
En 1985, sa mort fut l’occasion d’hommages souvent embarrassés. Le Parti communiste ne pouvait oublier les années de tension s’achevant par la rupture, avec le 22e Congrès et Ce qui ne peut plus durer dans le Parti communiste. Quant aux disciples, une partie avait basculé dans la rénégation, une autre avait évolué dans des directions divergentes et souvent contraires. Il n’existait plus, à proprement parler, « d’althussériens », comme on disait jadis, avec un soupçon de suffisance tribale pour ceux qui « en étaient », et un zeste d’aigre dérision pour ceux qui « n’en étaient pas ».
Comment comprendre aujourd’hui les réactions extrêmes, favorables ou hostiles, suscitées au moment de leur publication, en 1965 et 1966, par les textes de Pour Marx ou de Lire le Capital ? (Lire la suite)

« La société communiste vue par Marx » par Jean Robelin

dimanche 31 janvier 2010

« Alain Badiou et le miracle de l’événement » par Daniel Bensaïd


La taupe est myope, c’est bien connu. D’être passée trop souvent de l’obscurité à la lumière aveuglante du jour ? Ou pour se défendre de cet éblouissement ? Peut-elle oublier l’instant du jaillissement, et ce qu’il fallut d’effort pour en arriver là ? Le monticule de rejets où elle émerge en témoigne : pas de percée libératrice sans préparation têtue.


Marx a commis l’imprudence d’annoncer le dépérissement de la philosophie, réalisée dans l’accomplissement de son devenir stratégique : il ne s’agissait plus seulement d’interpréter le monde, mais de le changer. Alain Badiou propose, au contraire, de refaire aujourd’hui le geste philosophique par excellence, un « geste platonicien », qui s’oppose aux tyrannies de l’opinion et aux renoncements de l’anti-philosophie. Il entend ainsi relever la philosophie des abaissements devant les « pensées fascinantes » qui l’ont subjuguée : « La pensée scientifique a donné lieu à l’ensemble des positivismes, la pensée politique a engendré la figure d’une philosophie d’État, l’art enfin a rempli une fonction d’attraction singulière depuis le XIXe siècle. Fascinée, captée, voire asservie par l’art, la politique ou les sciences, la philosophie en est venue à se déclarer inférieure à ses propres dispositions. » (« Entretien », Le Monde, 31 aout 1993) (Lire la suite)

mercredi 13 janvier 2010

Daniel Bensaïd (1946-2010)


Une grande figure du marxisme, intellectuelle et militante, vient de s’éteindre. Un hommage lui sera bientôt rendu sur le site du séminaire, sur lequel deux textes sont d’ores et déjà disponibles


mardi 5 janvier 2010

« Le déni du social. Deux exemples contemporains : Abensour & Rancière » par Franck Fischbach

L’un des enjeux majeurs auxquels doit faire face une réflexion se situant dans le domaine de la philosophie sociale est de déterminer les rapports entre la philosophie sociale et la philosophie politique, c’est-à-dire, en définitive, les rapports entre la réalité sociale et la politique à la fois comme les institutions politiques et la pratique politique. C’est une question qui sera certainement abordée ici à plusieurs reprises et qui fera sans doute l’objet de débats durant ce colloque, mais je voudrais d’emblée en dire quelques mots. J’ai moi-même été tenté d’approcher d’une façon assez polémique le rapport de la philosophie sociale à la philosophie politique [1]. Cette posture polémique est très largement liée au diagnostic qu’on peut faire du rôle qui a été celui de la philosophie politique en France, disons depuis le début des années 80. On a alors pu assister à l’orchestration d’un retour de et à la philosophie politique : certains prétendaient alors rétablir la philosophie politique dans sa pureté philosophique, en la détachant de ce qui n’est pas elle (à savoir, essentiellement, les sciences sociales, et le marxisme compris comme le relai des précédentes dans la philosophie), et en la recentrant sur des concepts bien à elle – tels les concepts de loi, de droit, de souveraineté, de personne (au sens juridique du terme), des concepts qui ont amené avec eux et qui ont projeté sur le devant de la scène ceux d’Etat de droit, identifié à la démocratie libérale telle qu’elle existe, et de Droits de l’homme comme critère de légitimité ultime, absolu, anhistorique et universel. Ce retour de et à la philosophie politique était en même temps, et sans doute d’abord, une manière de réagir contre les idées dominantes de la période précédente à laquelle il était reproché d’avoir procédé à une dilution des idées pures de la pensée politique dans les sciences sociales et historiques. Là est le point fondamental qui me fait juger que ce retour de et à la philosophie politique a essentiellement été une entreprise de restauration et de réaction, au sens politique des deux termes. Ceux qui, entre temps, n’avaient en réalité jamais cessé de faire de la philosophie politique, de pratiquer une pensée philosophique affirmant et revendiquant un lien irréductible à la politique, voire une immanence de la politique à la philosophie – je pense notamment, parmi beaucoup d’autres, à des gens comme Etienne Balibar ou Jacques Rancière – furent évidemment assez surpris (c’est le moins qu’on puisse dire) de s’entendre dire que leurs travaux avait participé d’une occultation de la philosophie politique, et d’une soumission de la philosophie politique à ce qui n’est pas elle. (Lire la suite)


[1] F. Fischbach, Manifeste pour une philosophie sociale, Paris, La Découverte, 2009, notamment l’Avant-Propos et le Chapitre 2.