mercredi 2 décembre 2015

Sur la question de l'impérialisme (autour du colloque des 8 et 9 janvier 2016)

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Impérialisme, Empire et résistances
Flavie Achard, Pierre Beaudet, Stéphane Chalifour, Donald Cuccioletta, Francis Fortier, Philippe Hurteau, Thomas Chiasson-Lebel, Ghislaine Raymond.
Nouveaux cahiers du socialisme | http://www.cahiersdusocialisme.org/


Introduction du numéro

En 1914, l’histoire contemporaine basculait avec la Première Guerre mondiale. Elle qui lançait le monde entier dans un conflit d’une violence sans précédent. Cette guerre interétatique aux accents de lutte de classe voit s’affronter différentes puissances impérialistes dans une rivalité qui en éliminera plusieurs. C’est autour de cette époque que le marxisme s’est d’abord intéressé avec une attention particulière à la question de l’impérialisme.
Au moment d’assembler ce numéro, cent ans plus tard, le parlement canadien, composé d’une majorité de conservateurs, vient d’appuyer la participation du Canada à des bombardements aériens en Irak. L’objectif plutôt flou est d’affaiblir un groupe armé qui opère dans la région, l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL), qui représenterait une « menace à l’échelle mondiale »[1]. Cet objectif a été réaffirmé à la suite des incidents à Saint-Jean-sur-le-Richelieu et à Ottawa en octobre dernier lorsque des militaires ont été tués. Les services de sécurités affirment que les meurtriers se réclamaient d’un certain islam « radical », ce qui justifierait, selon le gouvernement, de participer encore plus à la « guerre contre le terrorisme mondial ».
Les États-Unis sont au cœur de la coalition qui s’engage dans cette nouvelle offensive. Capables de mobiliser en quelques semaines les forces des pays les plus avancées contre l’ennemi désigné du jour, les États-Unis assument, une fois de plus, un rôle central au sein d’une dynamique de police impériale.  Mais ils n’agissent pas seuls. Ils choisissent de chercher des alliés et de créer une coalition internationale, sans toutefois s’appuyer d’abord sur les instances multilatérales existantes. Après l’Afghanistan, l’Irak et la Lybie, de telles entreprises belliqueuses ressemblent à une gestion à la pièce où chaque manœuvre génère une nouvelle crise.
Les États-Unis sont aussi au centre de la gestion du capitalisme mondial, et malgré l’importance grandissante des autres blocs capitalistes (Europe, Japon) et des pays émergeants (BRICS), ils demeurent le pivot de l’articulation mondiale du capital. Or encore là, les États-Unis ne sont pas seuls, et malgré la centralité du dollar, la City de Londres contrôle une très grande partie de la finance mondiale. Dans ce domaine aussi, la réponse à la plus récente crise économique ne semble guère offrir de solution[2], et encore moins à long terme.
La centralité des États-Unis et l’étendue de leur emprise constituent sans doute l’une des nouveautés de notre époque, qui lui donne cette apparente unipolarité. Mais les États-Unis sont à la fois tiraillés dans leur position dominante, constamment défiée, tout en devant continuellement renouveler leurs appuis, de gré ou de force.

Quelle forme d’impérialisme sous le capitalisme actuel ?

Pour expliquer l’impérialisme il y a cent ans, la littérature marxiste cherchait ce qui unit les versants économique et militaire de différentes dynamiques nationales, et comment, sous le capitalisme, ce lien se développe en impérialisme et en rivalités inter-impériales. Selon cette perspective, la nature expansive du capitalisme atteint vite les limites de chaque État, et génère des pressions incitant les États à conquérir de nouveaux espaces.  Cela provoque des conflits internationaux et des guerres (voir le texte de Radhika Desai qui revient sur ces approches).
 Depuis lors, le capitalisme a évolué. De capital financier (alliance du capital bancaire et industriel selon Hilferding) il est devenu capitalisme «financiarisé», dans lequel la reproduction de la logique d’ensemble du système, bien qu’ayant absolument besoin de la protection et du soutien des États, se déroule en des flux continus de marchandises et de capitaux qui traversent les frontières, bien souvent en demeurant hors de la portée des États. Plus qu’il y a cent ans, le défi de saisir l’interaction des dimensions économique et politique apparaît comme un véritable casse-tête dont le nombre de pièces est dédoublé par la nécessité d’intégrer les dimensions culturelles et idéologiques à la compréhension du problème. Il vaut donc la peine de présenter plusieurs approches concurrentes qui sont au cœur des débats actuels pour permettre de mieux les évaluer.

Quelques perspectives

Pour saisir ces tensions, entre la domination des États-Unis et les contre-tendances à la fragmentation de l’empire d’une part, et entre la domination économique et militaire de l’autre, il peut être utile de regrouper les différentes perspectives présentées ici en quelques courants. Selon un premier courant, inspiré de l’approche post-impérialiste de Hardt et Negri, il n’y aurait plus de rivalités inter-impériales comme au temps de la Première Guerre mondiale, mais plutôt une immense entité qu’ils appellent Empire. Ce dernier n’étant pas organisé autour d’un l’État, serait plutôt mu par une dynamique déterritorialisée et décentralisée, à la fois plus diffuse et plus profonde. La souveraineté serait organisée en réseaux sans sommet, mais maintenu par un tissu de dirigeants : riches PDG, chefs d’États et technocrates d’institutions internationales (voir le texte de Colette St-Hilaire). En se recentrant sur une perspective économique, ce courant n’identifie plus l’impérialisme comme étant le fait des États, mais plutôt celui des corporations transnationales qui dictent leurs règles aux États de manières à verrouiller celles-ci par des traités internationaux (voir le texte de Michel Husson). Cette déterritorialisation trouverait également son expression dans la façon dont se mènent les guerres contemporaines. Avec la prolifération des drônes, les guerres ne sont plus fixées dans le temps et l’espace comme à l’époque des tranchées. Elles se déroulent en continue et un peu n’importe où, dans un champ de bataille globalisée dans lequel les soldats de l’un des camps sont inatteignables (voir le texte de Stéphane Chalifour et Justine Trudeau).
Selon la seconde perspective, l’État n’aurait, au contraire, rien perdu de son importance. Plus encore, l’empire a plus que jamais un sommet, l’État des É.-U, qui assume le fardeau de gérer le capitalisme global tout en cherchant à y assurer la position dominante de ses corporations (voir le texte de Leo Panitch). Cette position de gestionnaire du capitalisme mondialisé n’est toutefois pas directement liée à la domination militaire qu’exerce ce pays, qui répond plutôt à une logique d’expansion territoriale (voir le texte de Maya Pal). Malgré leurs nombreux points de contact, ces deux logiques doivent être comprises comme étant autonomes l’une de l’autre.
Cette domination des États-Unis ne pourrait n’être que passagère, et y accorder trop d’importance risquerait, comme l’arbre, de dissimuler la forêt toute entière. C’est ce que suggère une troisième approche selon laquelle la position des États-Unis depuis la fin de la guerre froide n’est qu’une situation temporaire résultant du développement inégal et combiné du capitalisme (voir le texte de Nancy Turgeon). Les rivalités qui en découlent ne pourront faire autrement que de provoquer un renouvellement conflictuel qui verra un nouveau centre émerger.
Finalement, il n’est pas dit que l’impérialisme soit le meilleur concept pour saisir ce qui est en jeu. Il y a en effet poursuite de dynamiques coloniales (voir le texte de Pierre Beaudet), tant internationales qu’entre différentes nations au sein d’un même pays, où l’éradication d’une culture fait partie intégrante du programme, que ce soit en Haïti (voir le texte de Denyse Côté) ou au Canada. Alors, la poursuite du colonialisme, ou son renouvellement par le néocolonialisme, pourrait être des concepts plus adéquats pour saisir les visées dominatrices.

Impérialisme canadien

Quant à lui, le Canada n’est pas de reste. Cet allié subalterne des États-Unis est un maillon de la chaîne impérialiste. Membre de l’OTAN, puissance (avec un petit P) active sur divers fronts diplomatiques, militaires et économiques, l’État canadien contribue à ériger un dispositif de contrôle toujours sous tension. L’impérialisme canadien par ailleurs ne peut être compris sans mettre en perspective la conquête coloniale du territoire canadien, habités par différents peuples qui ont été soumis ou subjugués. Aujourd’hui sous gouverne néoconservatrice, l’État canadien se propose de devenir une des têtes de pont pour les nouvelles aventures impérialistes des États-Unis (voir le texte de Donald Cuccioletta). Cherchant à devenir une superpuissance énergétique, il accélère les pratiques prédatrices dans le Sud global (voir le texte de Pierre Beaulne), mais également ici, notamment contre les populations autochtones (voir le texte de Jen Preston). Les dominants tentent alors de justifier leur action en menant la bataille des idées : excitant la menace islamiste, annonçant le péril chinois, brandissant l’invasion des réfugiés, etc.

Nouvelles confrontations, nouvelles résistances

Un profond malaise s’exprime tant envers l’impérialisme que le capitalisme, qui ne profitent jamais vraiment qu’au 1 %. La crise environnementale, conséquence d’un processus d’accumulation insatiable qui détruit la terre, apparaît de plus en plus comme le cœur des résistances. Elle survient après le ressac qui a succédé à des années de luttes altermondialistes contre la fortification du grand marché capitaliste mondial à travers les traités de libre-échange (voir le texte de Nathalie Guay et Julien Laflamme). Par ailleurs, les manifestations mondiales contre l’invasion de l’Irak en 2003, bien qu’elles aient fait partie des plus importantes manifestations internationales contre l’impérialisme, n’ont pas réussi à freiner cette guerre dont les conséquences désastreuses n’ont cependant pas livré les fruits attendus par l’empire (voir le texte de Michael Picard-Hennessy). En parallèle, la vague latino-américaine vers la gauche indique que l’extension de la domination impériale ne se fait pas sans résistances importantes, bien que le capitalisme soit loin d’être dépassé (voir le texte de Thomas Chiasson-LeBel). D’autres luttes qui s’expriment sous le drapeau de l’identité communautaire ou religieuse approfondissent également les fractures qui traversent notre monde (voir le texte de Michel Warschawski).
À l’heure où se renouvelle l’engagement belliqueux canadien et où la récente crise persiste et signe, ce portrait complexe et controversé de l’impérialisme vise à alimenter le vif débat autour de cet enjeu essentiel, sans prétendre couvrir tout le terrain qui devrait l’être. Contre lui, nous parions sur la solidarité de ceux d’en bas, contre les dominants d’où qu’ils soient. Ces guerres et crises périodiques viennent nous rappeler que la domination ne se déroule pas uniquement, ni peut-être même principalement, à l’intérieur des frontières, et que la solidarité pour y répondre doit s’internationaliser.


[1] Déclaration de Stephen Harper rapportée dans Marie Vastel, « Le Canada en guerre contre l’EI », Le Devoir, 4 octobre 2014,
[2] Christine Lagarde, directrice du FMI, notait récemment que les investissements n’ont pas repris leur cours d’avant la crise, surtout en Europe, où l’utilisation des capacités productives existantes n’a pas atteint le niveau d’avant 2007. Voir International Monetary Fund, Global Financial Stability Report, Risk Taking, Liquidity, and Shadow Banking, Curbing Excess while Promoting Growth. Octobre 2014.

dimanche 29 novembre 2015

Colloque international | Impérialismes : approches marxistes ; Paris : 8-9 janvier 2016 [Affiche et programme]






Colloque international Impérialismes : approches marxistes

Vendredi 8 janvier -samedi 9 janvier 2016
Maison de la recherche de Paris-Sorbonne (28 rue Serpente, 75006 Paris, métro Odéon), Amphi 035 (rez-de-chaussée)
Entrée libre, inscription obligatoire à l’adresse : razmig.keucheyan@paris-sorbonne.fr
Ce colloque international se propose de réfléchir à l'actualité du concept d'impérialisme pour comprendre le monde contemporain. Le "nouvel ordre mondial" apparu lors de la chute du mur de Berlin, loin de constituer l'espace global pacifié annoncé par ses promoteurs, a au contraire vu la multiplication des interventions impérialistes, et la montée des tensions entre grandes puissances : au Moyen-Orient, en Ukraine, dans le Sahel ou en mer de Chine. Dans les recherches, nombreuses, concernant l'impérialisme aujourd'hui, des thématiques nouvelles sont développées : par exemple la dimension écologique de l'impérialisme, l'Union européenne comme entité néo-impériale, ou le lien entre colonialisme et production des savoirs. Le marxisme classique et contemporain, de Marx lui-même à David Harvey, a produit l'un des corpus de théories de l'impérialisme les plus riches existant à ce jour. Revisiter ce corpus à la lumière des problématiques actuelles est un moyen de renouveler les approches de l'impérialisme.
  • Vendredi 8 janvier 2016, 9h30- 13h
Leo Panitch, York University : The Political Economy of American Empire

Aurélie Trouvé, AgroParisTech : Les formes de domination dans les politiques et le commerce agricoles à l'échelle internationale

Paul Guillibert, Université Nanterre Paris Ouest : La nature de l'impérialisme : une écologie de la dépossession
  • Vendredi 8 janvier, 14h30 -18h
Emmanuelle Sibeud, Université Paris 8 - Vincennes Saint Denis : Sciences et empires. Comment décoloniser les savoirs sur l'Afrique? 

Jean Batou, Université de Lausanne : Continuités et discontinuités de l'impérialisme russe, 1914-2014

Fabien Escalona, Sciences Po Grenoble : Les sociaux-démocrates face à l'impérialisme

  • Samedi 9 janvier 2016, 14h30-18h
Gilbert Achcar, School of Oriental and African Studies (SOAS), Université de Londres : D'un déclin à l'autre? L'hégémonie politico-militaire des États-Unis et son avenir

Claude Serfati, Université Versailles Saint-Quentin, Actualité de l'impérialisme : le cas de la France

Costas Lapavitsas, School of Oriental and African Studies (SOAS), Université de Londres : Hierarchy and Power in the European Union


Organisation : Marxismes au XXIe siècle, en partenariat avec Espaces Marx, Fondation Gabriel Péri, revue Actuel Marx, revue Contretemps, Centre d’Économie Paris Nord, (CNRS/Université Paris 13), Institut d’études politiques, historiques et internationales de l'Université de Lausanne.

jeudi 15 octobre 2015

2015-2016 + lecture


 Le programme du séminaire pour 2015-2016 est en cours de finalisation et sera très prochainement publié sur le blog et sur le site.

Nous vous signalons également la parution de ce livre d’entretiens de Stathis Kouvélakis avec Alexis Cukier qui vient de paraître aux éditions La Dispute et intitulé : La Grèce, Syriza et l’Europe néolibérale


vendredi 22 mai 2015

[Parution] Antoine Artous, Tran Hai Hac, José Luis Solís González & Pierre Salama | Nature et forme de l’État capitaliste

 
L’État moderne est-il un point aveugle du marxisme ? Comprendre l’État et les mécanismes de l’exercice de la citoyenneté.

 Si on s’accorde à reconnaître l’actualité des analyses de Marx sur la mondialisation du capitalisme et la marchandisation du monde, on s’interroge souvent sur ses analyses politiques de l’État. De plus, la crise de l’État moderne oblige les marxistes à revenir sur leur analyse de l’État. Marx aurait produit une compréhension de l’économie capitaliste en oubliant la politique et donc l’État. C’est oublier que Marx, acteur politique engagé, a aussi produit des analyses pertinentes des régimes politiques de son temps. Ainsi, l’analyse du bonapartisme dans son livre Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte est-elle devenue un classique de la « science politique ». Et dans son œuvre majeure, Le Capital, il avait prévu un chapitre sur l’État qui n’a jamais vu le jour. Cependant, nombre de ses écrits analysent en profondeur l’État, sa formation,  son rôle et son fonctionnement.

Les auteurs de cet ouvrage ne se satisfont pas de ce constat. Ils reprennent à bras-le-corps la question de l’État en la confrontant à la tradition marxiste et à différents auteurs.

Antoine Artous revient d’abord sur les « difficultés » rencontrées par le marxisme dans son approche de l’État et évoque les discussions que cela a soulevé. Il critique les analyses de l’État de classe comme substance transhistorique et réexamine l’État à partir des textes du jeune Marx et du Capital. Enfin, il revient sur la question centrale du dépérissement de l’État et les interrogations que cela soulève.

Tran Hai Hac avec son « État et capital dans l’exposé du Capital » nous introduit au travail théorique de Marx dans ses divers écrits et particulièrement dans Le Capital.

José Luis Solís González nous propose ensuite une présentation des débats de l’École dite de « la dérivation » qui s’est développée dans les années 1970 et qui a influencé de nombreuses analyses.

Enfin, Pierre Salama aborde « l’État et ses particularités dans les pays émergents latino-américains ». Il nous offre ici une analyse concrète de l’incarnation étatique dans des configurations politiques et sociales différentes sur le continent sud-américain et revient sur les incidences théoriques qu’elle comporte.

L’ensemble des contributions publiées ici offre au lecteur une puissante invitation à la réflexion sur la nature des États d’aujourd’hui qui apparaissent, en France par exemple, de moins en moins comme des régulateurs sociaux et de plus en plus comme des États autoritaires, évolution qui bien entendu interroge notre démocratie.  Davantage qu’une simple exégèse de lectures de la pensée de Marx, ce livre est une invitation à réfléchir à notre avenir démocratique.

Table des matières
Introduction par Antoine Artous
1. Retour sur quelques difficultés et problèmes par Antoine Artous
2. État et capital dans l’exposé du Capital par Tran Hai Hac
3. L’État comme catégorie de l’économie politique par José Luis Solís González
4. L’État et ses particularités dans les pays émergents latino-américains par Pierre Salama


samedi 16 mai 2015

[séminaire 2014-2015] Séance du 27 mai 2015

Kevin Anderson, « Sur Marx et les sociétés non-occidentales »
à propos de son ouvrage, Marx aux antipodes (Syllepse, 2015), dont la préface est librement accessible sur le site du séminaire Marxismes au XXIe siècle (ici).

Attention :  la séance se déroulera mercredi 27 mai de 18h à 20h, à la Maison de la Recherche de l'Université de Paris-IV (28, rue Serpente, 75006 Paris, M° Odéon)


 

dimanche 10 mai 2015

[Séminaire 2014-2015] séance du 16 mai 2015

Emmanuel Renault, Sur le jeune Engels
samedi 16 mai 2015, de 16h à 18h
à l'ENS, 29 rue d'Ulm, 75005 Paris, salle 236

 À l'occasion de la parution du premier volume des écrits de jeunesse de F. Engels dans le cadre de la Grande édition Marx-Engels (GEME),

dimanche 22 mars 2015

[Parution] K. Anderson | Marx aux antipodes : nations, ethnicité et sociétés non occidentales [Syllepse, 2014]



Selon une présentation trop rapide, Marx n’aurait été que le théoricien du capitalisme des sociétés occidentales. L’auteur du Capital n’a pourtant pas ignoré le reste du monde.

En effet, son installation à Londres l’a placé au cœur du plus grand empire mondial. Ce poste d’observation l’amènera à prendre en compte les sociétés non-occidentales et le colonialisme auxquels il consacrera une part importante de son travail. L’ouvrage nous dévoile cette part essentielle et toujours actuelle, et souvent ignorée, de l’œuvre de Marx.

Ce livre s’intéresse aux écrits de Marx sur des sociétés qui, de son vivant, se situaient pour la plupart à la périphérie du capitalisme. Il s’agit d’une approche inédite des rapports raciaux et coloniaux dans l’œuvre de Marx. L’auteur s’intéresse particulièrement aux contributions moins connues de Karl Marx, tels que ses articles publiés dans le New York Tribune et ses carnets, pour certains inédits, de la période 1879-1882, consacrés aux sociétés non-occidentales et précapitalistes. Il examine la théorisation que fait Marx d’un certain nombre de sociétés non-occidentales de son temps – de l’Inde à la Russie en passant par l’Algérie et la Chine – et des relations qu’elles entretiennent avec le capitalisme et le colonialisme. Il revient sur son approche des mouvements d’émancipation nationale, en particulier en Pologne et en Irlande et leurs rapports avec les mouvements démocratiques et socialistes de l’époque. Apport souvent occulté, la théorisation de Marx des relations qu’entretiennent race, ethnicité et classe, qu’il s’agisse de la classe travailleuse noire aux États-Unis pendant la guerre de Sécession ou de la classe ouvrière irlandaise en Grande-Bretagne, est également étudiée. Acteur engagé, Marx apporte en effet systématiquement son soutien à des mouvements pour l’indépendance comme ceux de Pologne et d’Irlande, ainsi qu’à la cause anti- esclavagiste aux États-Unis. Il rappelle que les mouvements ouvriers qui ne soutiennent pas les mouvements nationalistes progressistes ou qui ne combattent pas le racisme à l’égard des minorités ethniques à l’intérieur de leur propre société courent le danger d’entraver, voire de mettre fin à leur propre développement et de dégénérer. Pour l’auteur, « le prolétariat de Marx n’est pas seulement blanc et européen mais comprend également les travailleurs noirs aux États-Unis de même que les Irlandais qui ne sont pas considérés comme “blancs” à l’époque par les cultures dominantes britannique et nord-américaine ». Marx est donc d’abord un théoricien global dont la critique sociale envisage les notions de capital et de classe de manière assez large et ouverte pour inclure les particularités liées au nationalisme, à la race et à l’ethnicité, ainsi qu’aux variétés diverses de développement humain, social et historique, depuis l’Europe jusqu’à l’Asie et des Amériques à l’Afrique. Pour Kevin B. Anderson, « Marx est un théoricien dont la conception du capitalisme en tant que système social n’en fait pas un universel abstrait mais qu’elle est parcourue par une vision sociale riche et concrète dans laquelle universalité et particularité interagissent dans le cadre d’une totalité dialectique ».


La préface à l’édition française du texte, avec laimable autorisation des éditeurs, est disponible sur le site Marxismes au XXIe siècle.  



 


jeudi 12 mars 2015

[Parution] C. Delphy | Pour une théorie générale de l’exploitation : l’extorsion du travail non libre (Syllepse, 2015)


 
Comment en finir avec cette exploitation radicale qu’est le travail domestique des femmes ? – Pourquoi et comment 15 % du PIB sont fournis gratuitement par les femmes au profit des hommes ? Selon l’Insee, 15 % du PIB valorisés à 292 milliards d’euros, ou encore 60 milliards d’heures travaillées, ont été, en France, fournis gratuitement. Le nom de cette activité ? Le travail domestique assigné à une partie particulière de la population : les femmes. On a beaucoup glosé et parfois « regretté » la répartition « inégalitaire » des tâches domestiques, sans pour autant vouloir, prononcer le mot d’ exploitation. Le « travail ménager », qui repose sur les femmes, reste donc un marqueur fondamental de la société. On ne constate dans ce domaine aucune réelle évolution positive : il apparaît comme une contrainte immuable attachée « naturellement » aux femmes. À la question de savoir pourquoi cette situation d’inégalité et d’exploitation persiste, Christine Delphy répond par un implacable constat : parce qu’il y a des bénéficiaires à cette situation, les hommes. « Le travail ménager ne bénéficie pas au capitalisme, mais aux hommes, écrit-elle, ajoutant, pour enfoncer le clou, à la théorie du “profit pour le capitalisme”, j’oppose depuis longtemps celle du « profit pour la classe” des hommes. »» Dans cet ouvrage court et concis, elle décortique les mécanismes de cette extorsion de travail gratuit. Il ne s’agit pas pour elle de la survivance d’un archaïsme, mais d’un élément constitutif du fonctionnement normal de la société et plus précisément de ce qu’elle appelle le « mode production domestique » dont elle expose ici le fonctionnement. Il faut revenir à une analyse à la « racine » de la réalité. C’est l’objet premier de ce livre qui propose une « théorie générale de l’exploitation » du travail domestique qui ne se réduit pas au travail au ménager.

Elle met en lumière une « division sexuelle du travail » qui articule une hiérarchie dominatrice et une exploitation. Les mouvements féministes, qui ont, depuis longtemps, dénoncé la « double journée de travail », ont apporté des analyses différentes sur lesquelles Christine Delphy revient. Elle discute également la conception marxiste de l’exploitation qui ignore, ou oublie, les conditions générales de son exercice et réduit celle-ci au périmètre de l’extraction de la plus-value. Elle indique enfin des propositions pour en finir avec cet esclavage domestique. Elle nous propose avec cet ouvrage un précis radical sur l’exploitation et l’oppression de la seconde moitié de l’humanité au profit de la première

La préface de Mélissa Blay et Isabelle Courcy au livre de C. Delphy est librement accessible sur le blog Entre les lignes, entre les mots.







mardi 10 mars 2015

[Parution] Marx politique (La Dispute, 2015)






Marx est un penseur politique majeur, en dépit de préjugés qui demeurent tenaces. Mais en quoi consiste précisément sa pensée politique ? Pour répondre à cette question, ce livre présente des recherches internationales récentes, qui renouvellent le regard sur Marx – théoricien, journaliste et militant – et affirment l'actualité de sa pensée.
Cet ouvrage collectif aborde divers terrains : philosophie, histoire, économie, théorie politique, question sociale. Stathis Kouvélakis montre que la critique de l’État, remise sur le métier au fil des évolutions historiques et politiques, le conduit à repenser les rapports entre économie et politique. Ellen Meiksins Wood relie critique du capitalisme, analyse des luttes de classe, examen des questions de la démocratie, du genre et de la race, en les replaçant dans une perspective historique de longue durée. Kevin Anderson remet en cause l’idée reçue d’un Marx ethnocentriste et insiste sur sa réflexion concernant les sociétés occidentales. Guillaume Fondu aborde de façon critique l'économie politique hétérodoxe contemporaine. Antoine Artous revient sur la théorie de la valeur en discutant un livre de Moishe Postone qui a fait date.
Fenêtre ouverte sur un marxisme contemporain divers et vivace, ce livre montre que l'oeuvre de Marx et ses prolongements sont indispensables pour penser la transformation sociale et l'action politique aujourd'hui. Les deux textes anglais sont traduits par Paul Guillibert et Frédéric Monferrand.

Table des matières
Chapitre 1. Marx et la forme politique, par Stathis Kouvelakis,
Chapitre 2. Capital et classe, mais pas seulement : Marx à propos des sociétés non-occidentales, du nationalisme et de l'ethnicité, par Kevin B. Anderson (traduit par Frédéric Monferrand)
Chapitre 3. Capitalisme et émancipation humaine, par Ellen Meiksins Wood (traduit par Paul Guillibert)
Chapitre 4. Hétérodoxie et critique de l’économie politique, par Guillaume Fondu
Chapitre 5. L’actualité de la théorie de la valeur de Marx. A propos de Moishe Postone, Temps, travail et domination sociale, par Antoine Artous

J.-N. Ducange et I. Garo (dir.), Marx politique. Paris : La Dispute, 2015 ; 256 p.

dimanche 22 février 2015

[séminaire 2014-2015] séance du 14 mars 2015

 Isabelle Gouarné
« Sciences sociales, marxisme
& antifascisme dans les années 1930-1940 »
 autour de son ouvrage
L’introduction du marxisme en France : philosoviétisme et Sciences humaines (1920-1939)
,
Presses universitaires de Rennes, 2013

Samedi 14 mars 2015, de 16h à 18h
Maison de la recherche - université Paris IV
28, rue Serpente 75006 Paris
(M° Odéon)
Entrée libre et gratuite dans la limite des places disponibles

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Marxismes au 21e siècle
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jeudi 22 janvier 2015

[séminaire 2014-2015] Séance du 14 février 2015

Sixième séance du séminaire Marxismes au XXIe siècle



Emmanuel Barot,
« Qu’est-ce qu’une classe révolutionnaire ?
Marcuse aujourd’hui »

 
autour de son ouvrage
(à paraître en 2015 aux éditions La Dispute) 
Marcuse : la dialectique révolutionnaire au seuil de la stratégie
 


Samedi 14 février 2015, de 16h à 18h
Maison de la recherche - université Paris IV
28, rue Serpente 75006 Paris
(M° Odéon)
 
 

 
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