jeudi 31 décembre 2009

« Les sept moments du changement social » par David Harvey

Nous nous permettons de signaler cette excellente intervention de l’intellectuel marxiste anglo-américain David Harvey, disponible sur le site web de Contretemps, dont le sommaire est régulièrement actualisé dans la colonne gauche de ce blog, juste au-dessous du logo du séminaire. Bonne lecture.

La crise est à mon sens une rationalisation irrationnelle d’un système irrationnel. L’irrationalité du système est aujourd’hui parfaitement claire: des masses de capital et de travail inutilisées, côte à côte, au coeur d’un monde rempli de besoins insatisfaits. Ceci n’est-il pas stupide? La rationalisation que le capital désire vise à rétablir les conditions d’extraction de la plus-value, à restaurer le profit. Le moyen irrationnel d’atteindre cet objectif consiste à supprimer du travail et du capital, condamnant inévitablement à l’échec la rationalisation recherchée. Voilà ce que j’entends par rationalisation irrationnelle d’un système irrationnel.

Cependant, le socialiste que je suis considère qu’il existe un autre moyen de rationaliser le système. La question fondamentale, selon moi, consiste à déterminer les conditions permettant au capital et au travail réunis d’aller effectivement à la rencontre des besoins de l’humanité. C’est la rationalisation à laquelle nous devrions tous, dès à présent, tendre. En effet, aujourd’hui, la crise ouvre l’opportunité de penser la transition vers le socialisme, vers le communisme.

Or, chercher des réponses au système dans lequel nous vivons implique de raffermir notre ferveur révolutionnaire. J’entends par là qu’il faut revenir aux origines de cette ferveur. Même si j’ai beaucoup apprécié l’élan révolutionnaire qui régnait ici hier soir, avec Alex Callinicos ou Slavoj Žižek, il m’a semblé cependant qu’il n’était pas exempt de dangers. A notre époque, l’adjectif révolutionnaire est vidé de son sens. Tout est révolutionnaire, y compris les cosmétiques; et je ne suis pas sûr de vouloir devenir un expert du dernier spray capillaire révolutionnaire; Margaret Thatcher ne se définissait-elle pas elle-même comme révolutionnaire? (Lire la suite)

vendredi 25 décembre 2009

« La Raison communicationnelle et les religions face au défi de la démocratie » par André Tosel


  La Raison communicationnelle et les religions face au défi de la démocratie A propos de Jürgen Habermas, Entre naturalisme et religion : les défis de la démocratie (Gallimard, 2008).


 Habermas ne cesse depuis la publication de Droit et démocratie (1997) d’ajuster la théorie politique communicationnelle d’une démocratie participative aux défis d’une conjoncture qui fait époque, celle de la mondialisation qui a bouleversé quelque peu ce que lui-même pouvait considérer comme l’aboutissement politique d’une longue réélaboration de la raison philosophique.
 Les recherches réunies sous le titre Entre naturalisme et religion. Les défis de la démocratie sont consacrées aux formes de la socialisation humaine affrontée partout à l’émergence de sociétés pluriculturelles potentiellement en lutte. Elles complètent les recherches antérieures qui dans L’avenir de la nature humaine scrutaient ce devenir du côté du pouvoir biogénétique d’auto-transformation humaine et de son rapport possible à ce qu’Habermas nommait une éthique de l’espèce qui doit se composer avec une perspective cosmopolitique. (Lire la suite)


mercredi 23 décembre 2009

« Le Parti communiste français à travers le débat interne et le rôle des intellectuels (1958-1978) » par Marco Di Maggio


Dans cette recherche j’analyse le période de l’histoire du Parti Communiste français des années soixante et soixante-dix du XXe siècle à partir des trois aspects : le rôle qu’ont joué les intellectuels du parti, la fonction réservée à la production théorique dans l’élaboration de la ligne politique, et les formes et contenus du débat politico-stratégique dans le groupe dirigeant.
Étudier le PCF dans les années soixante et soixante-dix veut dire analyser le processus de maturation des multiples dimensions de sa crise qu’on peut définir comme une crise d’hégémonie.
Par crise d’hégémonie j’entend notamment la difficulté progressive que rencontre le parti à représenter les intérêts, les attentes et les formes de conflictualité des couches sociales qu’il représente et l’incapacité à élargir sa propre influence politique, culturelle et idéologique dans une société soumise à une mutation profonde et dans une phase historique mondiale marquée par de grandes transformations.
A partir du contexte historique spécifique, le but principal a été aussi de reconstruire et d’analyser le parti communiste français comme intellectuel collectif en particulier à reconstruire le développement de son projet politique et à évaluer dans cette reconstruction sa capacité à activer des processus hégémoniques, voire a renouveler et à élargir son influence sociale, politique et culturelle.
C’est donc à partir de ces fondements que j’ai essayé d’étudier l’évolution du PCF. J’ai essayé de le faire à travers une reconstruction chronologique fondée sur les documents d’archives pour retracer la façon dont évolue la culture politique, le fonctionnement et le rôle du PCF dans la société française. (Lire la suite)

dimanche 20 décembre 2009

Colloque : « Puissances du communisme », université Paris 8 : 22 & 23 janvier 2010)


Puissances du communisme
colloque organisé par la
Société Louise Michel

Vendredi 22 & samedi 23 janvier 2010
Université Paris 8
2, rue de la Liberté 93526 Saint-Denis
métro : Saint-Denis Université





Vendredi 22 matin | 09:00
Table ronde n° 1 : Un communisme sans Marx ?
Participants : Isabelle Garo, Rastko Mocnik, Massimiliano Tomba, Pierre Dardot, Stéphane Rozès
Modératrice : Cinzia Arruzza
Le mot de communisme est né avant Marx et il continue aujourd’hui d’être employé, en des sens très divers. Pourtant, peut-on penser le communisme sans le référer d’une façon ou d’une autre à Marx, c’est-à-dire sans le relier à une critique du capitalisme qui en analyse les contradictions profondes et l’abolition nécessaire ? C’est le poids politique de la référence à Marx aujourd’hui, poids problématique, qu’il s’agit de discuter, en s’interrogeant sur la persistance, voire la remontée d’une telle référence après l’effondrement des pays dits socialistes. Le récent anniversaire de la chute du Mur, salué à grands fracas médiatiques, s’est voulu l’enterrement de toute perspective communiste. Pourtant, ce tohu-bohu de circonstance prouve lui aussi le retour de la radicalité politique et pose à nouveau le problème de son rapport contemporain à Marx et à ses approches marquées par une diversité de plus en plus affirmée. Question multiple bien évidemment ! Ainsi, elle inclut la question de savoir en quoi le communisme a été ou non pensé et défini par Marx dans son œuvre. Plus largement, le retour de la question communiste n’implique-t-elle pas le retour de ces questions politiques que sont les problèmes de transition et de médiation ? Loin de faire du communisme une visée qui les néglige ou les dénonce, n’est-ce pas le propre de la référence à Marx que de réfléchir à la place des luttes sociales, mais aussi à la nature et à la structure des organisations politiques, des formes politiques d’intervention ? Parler de communisme aujourd’hui oblige à aborder de front la question de la « vraie démocratie », pour citer le jeune Marx, et à rouvrir enfin le dossier central de la propriété. De ce point de vue, la question communiste oblige aussi à reposer la question du socialisme qui lui est parfois opposé après lui avoir été assimilé. Bref, la question ouverte d’un rapport contemporain et vivant à Marx pourrait bien être au cœur de la discussion si celle-ci doit se poursuivre et parvenir à réassocier les dimensions théorique et stratégique. On pourrait alors envisager que le communisme n’est ni un pur concept ni le nom d’une défaite.

vendredi 22, après-midi | 14:00
Table ronde n° 2 : Un communisme sans histoire ?
Participants : Alex Callinicos, Alberto Toscano, Etienne Balibar, Catherine Samary, André Tosel
Modérateur : Nicolas Vieillescazes
« J’étais, je suis, je serai » écrivait Rosa Luxemburg juste avant son assassinat, en parlant de la révolution et de l’idée du communisme qu’elle faisait remonter, au moins, à la révolte de Spartakus. Ainsi le communisme s’inscrirait comme une idée de portée presque anthropologique, reflétant la part humaine qui pousse à l’égalité et à la liberté. En ce sens, elle serait, pour ainsi dire, insensible à l’histoire, même si sa puissance dépend des périodes. Sans contredire directement cette approche, avec Marx et la généralisation du salariat, naît un point de vue matérialiste qui ancre dans les contradictions du capitalisme la possibilité effective de la réalisation du rêve. Un communisme en puissance autrement dit, au sens de la physique, dont les conditions historiques de réalisation prennent un aspect concret, mais dont la mise en énergie dépend des évènements, du tour que prend une conjonction particulière de rapports de force économiques, idéologiques, sociaux et politiques et des évènements qui en découlent. Approches opposées, disjointes ou complémentaires ?

Samedi 23 matin | 09.00
Table ronde n° 3 : A la recherche du sujet perdu
Participants : Thomas Coutrot, Christian Laval, Elsa Dorlin, Samuel Johsua
Modérateur : François Cusset
Autrefois incarné par une classe ouvrière consciente d’elle-même et de son rôle historique, le sujet de la révolution communiste semble avoir aujourd’hui disparu sous les assauts conjugués d’une mutation du capital ayant totalement intégré la sphère culturelle à la sphère marchande, de forces politiques et idéologiques qui se sont employées à discréditer toute idée d’alternative politique et ont promu le mythe d’une classe moyenne universelle, ou, conséquemment, d’un relativisme généralisé qui a renvoyé aux oubliettes de l’histoire l’idée même de révolution. Comment donc, aujourd’hui, reformuler la question du sujet d’un possible renversement du capitalisme ? Pour Toni Negri, le communisme est appelé à naître spontanément d’un bouleversement des rapports de production qui permettrait à la « multitude » du general intellect de se « libérer » ; et il ne manque pas d’auteurs qui considèrent que la question est mal posée, soit qu’il faille chercher une issue dans les luttes micropolitiques en s’inspirant des travaux de Michel Foucault ou de Félix Guattari et Gilles Deleuze, soit qu’elle ne puisse se trouver que dans un « peuple » non assignable à quelque coordonnée sociologique que ce soit. Dans ce contexte, alors que les inégalités sont pourtant plus criantes qu’elles ne l’ont jamais été et que sembleraient pouvoir se dessiner les conditions d’une solidarité politique minimale, la question même d’un sujet communiste révolutionnaire a-t-elle encore un sens ? Le problème, finalement, n’est peut-être pas tant celui du sujet perdu que celui, plus général, de la construction d’une alternative crédible au capitalisme.

samedi 23, après-midi | 14:00
Table ronde n° 4 : Des communistes sans communisme ?
Participants : Jacques Rancière, Slavoj Zizek, Daniel Bensaid, Michel Surya, Gaspar Tamas Modérateur : à signaler
Selon une célèbre phrase de Lénine, il n’est de mouvement révolutionnaire sans théorie révolutionnaire. La théorie est à la fois ce qui permet de s’orienter dans un réel tumultueux, de conférer une « identité » au collectif révolutionnaire, et de doter ce dernier d’un programme, c’est-à-dire d’un objectif à atteindre via une période de transition. Pendant plus d’un siècle, le marxisme a fourni l’ossature de cette théorie, même si d’autres courants y ont bien entendu également contribué. Parmi les éléments dont les mouvements anti-systémiques (y compris les partis révolutionnaires) se trouvent dépossédés avec la clôture du cycle historique initié en Octobre 1917, et la fin de l’expérience du communisme « réel », on compte cette dimension « doctrinale » de l’activité révolutionnaire. Il existe actuellement des personnes et des collectifs qui se déclarent « communistes » mais, comme théorie (relativement) cohérente et unifiée, le communisme semble introuvable. Faut-il se réjouir de ce fait, l’absence de doctrine hégémonique permettant aux micro-pratiques et micro-théories correspondantes de proliférer (hypothèse des « mille marxismes ») ? Faut-il au contraire le déplorer, et s’atteler à la reconstruction de long terme d’une théorie révolutionnaire ?

dimanche 13 décembre 2009

« Engels : Le gentleman révolutionnaire » par Tristram Hunt

 
[Présentation de l'éditeur] À la fois complice intellectuel et mécène de Karl Marx, Friedrich Engels (1820-1895), héritier d'une famille prussienne calviniste, endura une carrière dans le « maudit commerce » du coton afin d'assurer à son ami les ressources et la liberté nécessaires pour écrire Le Capital. Membre de la Bourse royale de Manchester, Engels menait la grande vie, buvait sec et s'adonnait à tous les plaisirs de l'existence : le château-margaux, la chasse au renard et la compagnie des femmes. Docteur Jekyll le jour, il était Mister Hyde la nuit, socialiste révolutionnaire en ménage avec Mary Burns, ouvrière irlandaise qui l'introduisit dans les milieux populaires. Cet écheveau de contradictions imprègne les œuvres majeures de Marx, auxquelles Engels insuffla son expérience des rouages du capitalisme mondial, de la vie en usine et de l'insurrection armée. Puis, retiré du monde des affaires, il devint à la mort de son ami le gardien de l'orthodoxie marxiste, se consacra à ses propres écrits et au mouvement socialiste international en gestation. D'un bout à l'autre, la vie d'Engels épousa l'histoire révolutionnaire du XIXe siècle en Europe, des tavernes du Berlin hégélien à la grisaille de l'Angleterre victorienne, des barricades de 1848 en Prusse à la Commune de Paris, des taudis de Manchester au Londres doré des rentiers, en passant par la naissance de la social-démocratie allemande. Dans cette remarquable biographie, qui replace ce « second violon » hors de l'ombre tutélaire de Marx le virtuose, Tristram Hunt brosse en véritable conteur le portrait d'un héros balzacien qui parvint, envers et contre tout, à « faire sa propre histoire ».

Tristram Hunt né en 1974, historien spécialiste de l'époque victorienne, enseigne à Queen Mary, université de Londres.

On lira avec intérêt une note critique de cet ouvrage proposée par Thierry Labica dans l’Humanité du 3 décembre 2009

vendredi 11 décembre 2009

« Un nouveau pas vers la désémancipation : la stratégie de guerre civile préventive du régime sarkozien » par André Tosel


Il est clair depuis ces dernières années que la mondialisation capitaliste en cours entraine un processus de désémancipation sociale caractérisé par une soumission réelle du travail et de l’économie aux impératifs de l’accumulation financière, par une concurrence impitoyable, de plus en plus polycentrique, entre entreprises et États, par la production d’inégalités énormes entre populations différentes, aussi bien qu’au sein d’une même population. Cette désémancipation se développe en accusant ses traits: chômage incompressible, désinvestissements et délocalisations du capitalisme liquide, production d’une masse d’hommes inutiles inscrits dans un régime d’apartheid mondial, liquidation des solidarités de travail et de coopération, destruction de ce compromis socio-politique qu’avait été l’État social de l’après-guerre, généralisation de formes de guerre inédites... Or, il n’est pas de désémancipation sociale sans désémancipation politique. C’est ce que prouve la dérive liberticide qu’organise le principat de moins en moins démocratique mis en place jour après jour par le régime Sarkozy (Lire la suite)




mardi 1 décembre 2009

Le marxisme du 20e siècle par André Tosel


L’ouvrage est consacré à l’examen de quelques moments importants de l’histoire dite des marxismes du 20e siècle et de certaines interprétations de Marx. Les études ici rassemblées ont l’ambition d’alimenter ce débat par l’examen de quelques moments importants de l’histoire dite des marxismes, et de certaines interprétations de Marx au 20e siècle. Il accorde une importance particulière accordée à Gramsci comme le penseur hérétique le plus complet. L’auteur aborde ces contributions du siècle passé dans leur dimension critique et qui s’avèrent nécessaires à la production d’une théorie critique à la hauteur du défi que constituent l’échec du communisme historique et l’hégémonie du capitalisme mondialisé. Ainsi d’autres interprétations de Marx sont ici défendues, délivrées de la volonté d’orthodoxie, interprétations nourries de la confrontation avec les points hauts de la modernité théorique. Cette exigence est partagée par tous ceux pour qui la référence à Marx est celle tout à la fois, de ce livre que d’un chantier encore à explorer.