mercredi 14 juillet 2010

En attendant le programme…

En attendant le programme donc, qui se finalise, trois nouveaux textes sont disponibles sur le site du séminaire, dont deux consacrés à Sartre, avec notamment l'intervention de Juliette Simont au séminaire de cette année.
   
P.-U. Barranque | Penser la lutte, penser l’émancipation : Sartre et la question basque en 1971 
« Le Procès de Burgos », texte extrait du Xe et dernier tome des Situations, est probablement l’un des écrits les plus originaux que Jean-Paul Sartre ait pu consacrer à l’actualité immédiate de son époque. Ce texte fut réalisé par Sartre en 1971, afin de servir de préface à l’ouvrage du même nom, Le Procès de Burgos, écrite par l’avocate Gisèle Halimi. Nous nous doutons que la préface de Sartre est déjà originale quant à son objet. L’auteur nous y présente, en effet, un sujet d’étude des plus inattendus de la part d’un intellectuel français des années 70, à savoir la lutte du peuple basque sous la dictature franquiste. Mais, par-delà l’exotisme de cette région située aux confins de la France et de l’Espagne, nous pouvons aussi reconnaître l’originalité de ce texte sur de nombreux autres points, aux contenus plus philosophiques. Remarquons, tout d’abord, que cet article est l’un des plus parfaits exemples de ce qui fut l’une des fonctions principales de la publication des Situations : à savoir compiler les nombreux articles d’analyse de politique immédiate dans lequel Sartre excellait, à côté de ses œuvres philosophiques et littéraires proprement dites. Nous pourrions même dire que cet écrit méconnu qu’est « Le Procès de Burgos » est l’exemple même d’une pensée en situation, telle que l’a très souvent pratiquée Sartre pendant toute sa vie. Car de situations, il ne s’agit que de cela dans ce texte. Et la situation politique à l’origine de cet écrit, c’est le fameux procès des six militants basques, condamnés à mort par le pouvoir franquiste le 9 Décembre 1970, après une parodie de justice dans le tribunal militaire de Burgos. [Lire la suite]
 
J. Simont | L’être-de-classe dans l’œuvre de Sartre 
Sartre est un homme des apprentissages lents, il le sait et le revendique. Simone de Beauvoir est au contraire une femme pressée. Interrogeant Sartre, en 1974, dans un entretien intégré à La Cérémonie des adieux sous le titre « Entretien avec Jean-Paul Sartre », elle a manifestement envie de lui faire dire que dans les premières années de leur relation, ils avaient déjà tous deux pleinement conscience de ce qu’est la lutte des classes. Sartre rechigne, renâcle, nie que sa haine de la bourgeoisie, en effet présente dès La Nausée, et même avant, dans sa jeunesse à l’Ecole normale, ait été une haine à l’égard de la classe exploitante : c’était une haine des mœurs bourgeoises, un athéisme, un anticonformisme dépourvus de soubassements politiques. Il avait lu Marx, oui, très tôt, « en troisième ou quatrième année d’Ecole » (p. 481). Cela n’avait produit en lui nul bouleversement mais simplement un intérêt de très bon élève, cela lui apparaissait comme une doctrine « bien raisonnée », une théorie de plus, très ou trop bien digérée par son agile intelligence. Rien ne l’avait frappé ni marqué. Son ami Nizan s’inscrivait au PC, s’en désinscrivait, s’y réinscrivait : l’intimité et la nature de leur amitié ne s’en trouvait pas changée, comme si ces remous étaient parfaitement secondaires. Nizan, semble-t-il, ne le taraudait pas de considérations politiques. Sartre va jusqu’à dire à Simone de Beauvoir que pendant son adolescence la coexistence avec son beau-père pourtant honni, l’ingénieur Mancy, capitaine d’industrie à La Rochelle, n’avait pas été sans influencer sa vision des ouvriers, considérés par leur patron comme de grands enfants. [Lire la suite]
 A. Artous | Marx et le fétichisme De la critique de la religion à la critique de l’économie politique
« À la place de l’exploitation voilée par les illusions religieuses et politiques, (la bourgeoisie) a mis l’exploitation ouverte, éhontée, directe dans toute sa sécheresse. (…) Tout ce qui était solide, bien établi, se volatilise, tout ce qui était sacré, se trouve profané et, à la fin, les hommes sont forcés de considérer d’un œil détrompé la place qu’ils tiennent dans la vie, et de leurs rapports mutuels », proclame Le Manifeste communiste (Marx, 1963, p. 164).
L’avènement de la bourgeoisie moderne bouleverse, effectivement, les formes de domination précapitaliste dans lesquelles les rapports d’exploitation se structurent à travers des rapports de dépendance personnelle (serf, esclave, etc.) et un imaginaire religieux qui, sous des formes diverses, légitime les hiérarchies sociales par leur inscription dans un ordre surnaturel. La question est importante si l’on veut comprendre les ruptures introduites par le capitalisme. Mais, au moins à cette époque, tout se passe pour Marx comme si, ce que Max Weber appellera le désenchantement du monde était synonyme d’une marche vers la transparence des rapports sociaux rendant visible l’exploitation.
Dans Le Capital, ce n’est plus le cas. L’avènement de la production marchande porte une nouvelle forme d’opacité, lié à la généralisation d’une forme sociale particulière qui porte ses propres fantasmagories. Alors que la marchandise semble quelque chose de trivial, « c’est une chose très complexe, plein de subtilités métaphysiques et d’arguties théologiques », écrit Marx dans les pages Livre I du Capital où il se propose d’analyser « le caractère fétiche de la marchandise et son secret » (Marx, Œuvres, 1963 p. 104). [Lire la suite]

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