[Présentation de l'éditeur]
Au cours de l'année 1909, l'astronome et astrophysicien révolutionnaire
hollandais Anton Pannekoek (1873-1960), à l'occasion du centenaire de la
naissance de Charles Darwin (1809-1882), publie un essai intitulé
Darwinisme et Marxisme.
Ce spécialiste reconnu des révolutions
cosmiques y interroge la plus grande révolution biologique du XIXe
siècle pour tester sa relation possible avec la révolution politique
placée par Marx à l'horizon du processus historique. Ce faisant, il
affronte un héritage : celui d'une intuition critique de Marx, inscrite
dans une lettre à Engels du 18 juin 1862, selon laquelle, en dépit de
l'intérêt manifeste qu'offre chez lui un matérialisme naturaliste apte à
servir de socle au matérialisme historique, Darwin n'aurait fait en
définitive que projeter sur la nature le schéma social de lutte
concurrentielle qu'il avait emprunté à Malthus -, ce qui pouvait lui
permettre en retour de naturaliser ad aeternum la structure même de la
société capitaliste.
Les positions anti-malthusiennes exprimées par
Darwin en 1871 dans La Filiation de l'Homme donneront tort à Marx, qui a
cédé trop tôt au devoir militant de combattre certains « darwinistes
bourgeois », et qui ne pouvait en tout état de cause avoir lu en 1862
l'ouvrage au sein duquel Darwin allait exposer ouvertement sa théorie du
dépérissement de la sélection éliminatoire au profit des conduites
bienfaisantes, coopératives et altruistes dont s'accompagne l'extension
indéfinie du processus de civilisation.
Pannekoek, lui, a lu La
Filiation. Comme il a lu, à l'opposé, Spencer, véritable inventeur de ce
que l'on nommera plus tard, malencontreusement, le « darwinisme social ».
Il en résulte l'idée que Darwin et les « darwinistes sociaux », ce n'est
pas la même chose. Et que darwinisme et marxisme ne sont plus
incompatibles, mais, effectivement, complémentaires, à condition de
pouvoir penser, entre l'histoire de la nature et l'histoire des
sociétés, le recouvrement partiel des échelles temporelles et la
combinaison connexe des tendances évolutives.
Au cœur de cette
problématique fondamentale, Patrick Tort, explique, dans son
introduction et ses commentaires intercalés, l'intérêt, les enjeux et
les limites du travail effectué par Pannekoek autour de ces questions
majeures de la pensée contemporaine, et propose des clés pour mieux les
comprendre.
Anton Pannekoek, Darwinisme et marxisme ; traduit par H. de Ponthière & G. Voets, présenté et commenté par P. Tort. Paris : Arkhè, 2012. 247 p.