Marx et la critique de l'esthétique par I. Garo
Marx est-il l’auteur d’une esthétique ? En dépit des théories de l’art marxistes qui ont cherché leurs sources dans son œuvre, ce qui n’est en rien illégitime, il faut cependant commencer par affirmer qu’une telle esthétique marxienne est introuvable. Cette absence est avant tout à relier à la redéfinition même du travail théorique qui accompagne son œuvre et qui interdit tout autant la constitution d’une philosophie séparée que l’élaboration d’une esthétique en tant que telle, dont la définition demeure assujettie à cette même philosophie. La promotion du terme par Baumgarten, au milieu du XVIIIe siècle, enracine sa définition sur le terrain d’une théorie de la connaissance et des facultés, conception que prolongera l’élaboration par Kant de la doctrine du jugement de goût. Sur ce terrain, la critique hégélienne de la théorie kantienne n’offre à Marx aucune perspective alternative : dans la mesure où il rejette précisément chez Hegel la conception d’une histoire culminant dans la réappropriation savante d’elle-même, dont l’art est une étape, le renversement et la réélaboration matérialiste de l’hégélianisme semble précisément interdire la circonscription d’une théorie de l’art, qui demeure là encore placée sous l’égide de la philosophie. Selon Hegel en effet, l’art présente la figure immédiate du savoir, qui a « de son côté, effectué la même chose que la philosophie – purifier l’esprit de la non-liberté ». Ce n’est donc pas à partir de la critique de cette définition, trop profondément imbriquée dans l’édifice de l’idéalisme allemand, que peut se construire une critique marxienne de la philosophie hégélienne qui refuse d’être une autre philosophie. Enfin, et corrélativement, l’objet principal de Marx étant ailleurs, si l’insertion de l’activité artistique au sein de l’ensemble des activités humaines est cohérente avec le reste de son projet, on conçoit qu’il n’ait pas eu le temps d’en entreprendre comme tel l’examen et qu’il ne propose nulle part une analyse spécifique de l’oeuvre d’art, de sa production et de sa réception.
Une esthétique du « désart » ? par V. Charbonnier.
Le regain de la réflexion philosophique contemporaine sur l’art se caractérise par une polarisation exclusive sur la seule dimension esthétique (jugement de goût, réception), ce qui a pour conséquence de subordonner l’art à l’esthétique et de ne pouvoir le penser que par elle. Contre cette réduction, nous rappelons la question de Lukács – il existe des œuvres d’art, comment sont-elles possibles ? Nous en esquissons brièvement quelques développements possibles, en particulier la dialectique immanente et réciproque de l’esthétique et de l’artistique, y reliant également les profondes transformations de l’art et de ses pratiques – l’esthétique incluse –, du xxe siècle.
En vous remerciant de votre patience et de votre compréhension.
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