Selon une présentation trop
rapide, Marx n’aurait été que le théoricien du capitalisme des sociétés
occidentales. L’auteur du Capital n’a pourtant pas ignoré le
reste du monde.
En
effet, son installation à Londres l’a placé au cœur du plus grand empire
mondial. Ce poste d’observation l’amènera à prendre en compte les sociétés
non-occidentales et le colonialisme auxquels il consacrera une part importante
de son travail. L’ouvrage nous dévoile cette part essentielle et toujours
actuelle, et souvent ignorée, de l’œuvre de Marx.
Ce
livre s’intéresse aux écrits de Marx sur des sociétés qui, de son vivant, se
situaient pour la plupart à la périphérie du capitalisme. Il s’agit d’une
approche inédite des rapports raciaux et coloniaux dans l’œuvre de Marx. L’auteur
s’intéresse particulièrement aux contributions moins connues de Karl Marx, tels
que ses articles publiés dans le New York Tribune et ses carnets, pour certains inédits, de la période
1879-1882, consacrés aux sociétés non-occidentales et précapitalistes. Il
examine la théorisation que fait Marx d’un certain nombre de sociétés non-occidentales
de son temps – de l’Inde à la Russie en passant par l’Algérie et la Chine – et
des relations qu’elles entretiennent avec le capitalisme et le colonialisme. Il
revient sur son approche des mouvements d’émancipation nationale, en
particulier en Pologne et en Irlande et leurs rapports avec les mouvements démocratiques
et socialistes de l’époque. Apport souvent occulté, la théorisation de Marx des
relations qu’entretiennent race, ethnicité et classe, qu’il s’agisse de la
classe travailleuse noire aux États-Unis pendant la guerre de Sécession ou de
la classe ouvrière irlandaise en Grande-Bretagne, est également étudiée. Acteur
engagé, Marx apporte en effet systématiquement son soutien à des mouvements
pour l’indépendance comme ceux de Pologne et d’Irlande, ainsi qu’à la cause
anti- esclavagiste aux États-Unis. Il rappelle que les mouvements ouvriers qui
ne soutiennent pas les mouvements nationalistes progressistes ou qui ne
combattent pas le racisme à l’égard des minorités ethniques à l’intérieur de
leur propre société courent le danger d’entraver, voire de mettre fin à leur
propre développement et de dégénérer. Pour l’auteur, « le prolétariat de Marx n’est
pas seulement blanc et européen mais comprend également les travailleurs noirs
aux États-Unis de même que les Irlandais qui ne sont pas considérés comme “blancs”
à l’époque par les cultures dominantes britannique et nord-américaine ». Marx
est donc d’abord un théoricien global dont la critique sociale envisage les
notions de capital et de classe de manière assez large et ouverte pour inclure
les particularités liées au nationalisme, à la race et à l’ethnicité, ainsi qu’aux
variétés diverses de développement humain, social et historique, depuis l’Europe
jusqu’à l’Asie et des Amériques à l’Afrique. Pour Kevin B. Anderson, « Marx est
un théoricien dont la conception du capitalisme en tant que système social n’en
fait pas un universel abstrait mais qu’elle est parcourue par une vision
sociale riche et concrète dans laquelle universalité et particularité
interagissent dans le cadre d’une totalité dialectique ».
La préface à l’édition française du texte, avec l’aimable autorisation des éditeurs, est disponible sur le site Marxismes au XXIe siècle.